Un ballon dans les Balkans

Zvonimir Boban 1990

LIVRE – Dans “Le football dans le chaos yougoslave” (Non-Lieu, 2019), Loïc Trégourès explore le rôle du football dans la guerre civile yougoslave des années 1990.

Le foot peut être un excellent moyen de comprendre l’histoire, celle des peuples, des hommes et de leur folie. Avec “Le football dans le chaos yougoslave” (Non Lieu, 2019), l’historien spécialiste des Balkans Loïc Trégourès nous plonge dans le conflit yougoslave des années 1990 à travers les clubs, les joueurs, les supporters, parfois acteurs du conflits, parfois témoins impuissants du drame.

Tribunes et nationalismes

Le ballon rond, de part sa dimension sociale, ne peut échapper en effet aux soubresauts de l’histoire. Si le jeu est souvent une victime collatérale des conflits, il peut parfois se trouver en position d’acteur. Rarement sur le terrain, plus souvent en tribunes.

Dans les pays autoritaires, les stades de football sont souvent le refuge des revendications. C’est donc dans les tribunes de l’Étoile Rouge, du Partizan, du Dinamo Zagreb, de Hajduk Split, qu’ont germé dans les années 1980 les nationalismes serbes et croates. La Yougoslavie de Tito, mort en mai 1980, traversait une crise économique que la population attribuait aux autorités fédérales. L’idée qu’il fallait en finir avec le mythe yougoslave s’est donc très rapidement développé sous les oripeaux des clubs de foot.

En 1990, une rencontre opposant le Dinamo Zagreb à l’Étoile Rouge de Belgrade est annulée en raison d’une bataille rangée entre supporters des deux camps. On y voit même un joueur, Zvonimir Boban, s’en prendre violemment à un policier. Plus qu’une bagarre entre deux groupes de supporters, les observateurs y voient une bataille entre Serbes et Croates. L’image de Boban, footballeur croate, frappant le policier au service du pouvoir serbe, est devenu une image forte au cœur d’un événement dramatique qui sonne pour de bon la fin de l’unité yougoslave.

De Boban à Arkan

Lorsque la guerre éclate, les armées n’ont aucun mal à recruter ses soldats au sein des groupes de supporters. A Belgrade, les fans de l’Étoile Rouge rejoignent Zeljko Raznatovic, tristement plus connu sous le surnom d’Arkan, exécuteur de basses besognes du pouvoir serbe et qui se fera un nom durant la guerre civile parmi les miliciens les plus cruels.

Pendant le conflit, la création de championnats autonomes et d’équipes nationales représentant les républiques ont également été des actes de guerre ou du moins de résistance. Mais on a également observé de vaines initiatives à vouloir préserver l’idéal yougoslave.

Avec “Le dernier penalty” (2016) qui suivait l’équipe yougoslave du Mondiale 1990, le journaliste italien Gigi Riva nous avait introduit dans les méandres d’une région complexe à travers le foot. Loïc Trégourès poursuit dans la même veine, insistant également sur le récit que propose chaque camp, l’exaltation des valeurs et les pulsions guerrières qu’elles génèrent.

A propos de Loïc Trégourès et du football en Yougoslavie

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