Leurs noms à un stade

Stade Henri Jooris (Lille)

STADES – Leurs noms sont familiers des suiveurs du football français, notamment parce qu’il est aussi celui d’un stade. Le grand public connait pourtant très mal ces personnages historiques.

Depuis quelques années ont fleuri en France et un peu partout dans le monde des noms de stades un peu bizarre, pour ne pas dire suspects : “Matmut Atlantique”, “Groupama Stadium”, “Allianz Riviera”, “Altrad Stadium”… Ce sont les ravages du naming, cette pratique où l’on vend le nom d’un stade à une marque. De quoi raviver une certaine nostalgie envers ces stades qui portent (ou ont porté) le nom d’une personnalité.

Félix Bollaert (1855-1936) était le directeur de la Compagnie des mines de Lens, une entreprise fondée par son père qui représentait le principal vivier d’emploi de la région. En 1932, le Compagnie entame la construction d’un stade destiné au Racing Club de Lens. Inauguré en juin 1933, il portera le nom de son instigateur à la mort de celui-ci en 1936. En 2012, on a adjoint au nom du stade celui d’André Delelis.

Geoffroy Guichard (1867-1940) est un commerçant de Saint-Étienne qui a transformé l’épicerie familiale en une entreprise de grande distribution devenue le groupe Casino. En 1912, il fonde avec ses employés l’association sportive de Casino, qui deviendra l’Association Sportive de Saint-Étienne. En 1930, il achète un terrain sur lequel il construit un stade pour son équipe. Le stade porte le nom de Geoffroy-Guichard dès son inauguration en 1931.

Louis II (1870-1949) était le Prince de Monaco de 1922 à 1949. Élève de Saint-Cyr, il est surnommé le “Prince Soldat” et sert l’armée française notamment pendant la première guerre mondiale. Couronné en 1922, il faut construire en 1939 un stade pour l’AS Monaco qui portera son nom. Pendant l’Occupation, Louis II se rapprochera du gouvernement de Vichy et fera preuve d’une “étrange neutralité” vis-à-vis de l’Allemagne, la Principauté ayant des liens financiers avec les dirigeants nazis. La germanophilie manifeste du souverain sera tempérée par l’engagement de son fils Rainier III dans l’armée française pour combattre les Allemands. Quand l’AS Monaco se dote d’un nouveau stade en 1985, il reprend le nom du souverain contesté.

Marcel Picot

Marcel Picot (1893-1967) était un chef d’entreprise nancéien ainsi que le président du Stade Universitaire Lorrain, un club de rugby pour lequel il a construit un stade au Pont d’Essey dans la commune de Tomblaine. Le stade sera inauguré en 1926 pour accueillir le rugby et le football avec le FC Nancy. Il prendra le nom de Marcel Picot après le décès de celui-ci en 1967 et deviendra l’antre de l’AS Nancy-Lorraine créée durant le même période.

L’Abbé Deschamps, de son vrai nom Ernest-Théodore Valentin Deschamps (1868-1949), est le prêtre qui a fondé l’Association de la Jeunesse Auxerroise en 1905. Il inaugure en 1913 le stade de la Route de Vaux puis y fait construire une tribune de 150 places en 1930. Le stade prendra de nom d’Abbé Deschamps à la mort de celui-ci en 1949.

Auguste Delaune (1908-1943) est un héros de la résistance. Secrétaire général de la FSGT (fédération sportive et gymnique du travail) mais également membre du Parti communiste français, il est arrêté en 1943 pour acte de résistance. Emprisonné et torturé par la police allemande, il décède 12 septembre 1943. Il est fait chevalier de la Légion d’honneur à titre posthume après la Libération. Il a donné son nom à de nombreuses rues et de nombreuses enceintes sportives, parmi lesquelles celle du stade de Reims.

Robert Diochon (1883-1953) est la personnalité emblématique du FC Rouen. Fondateur du club en 1899, il est le capitaine de l’équipe, puis devient le président du club, fonction qu’il occupera pendant 47 ans, de 1906 à sa mort en 1953. Il développe le club, le dote d’un statut professionnel et inaugure en 1914 le stade des Bruyères à Petit-Quevilly, lequel prendra son nom après sa mort.

Armand Cesari

Armand Cesari (1903-1936) est l’une des premières vedettes du Sporting de Bastia. Le club remporte avec son capitaine six titres de champion de Corde et cinq coupes de Corse. Sa mort à l’âge de 36 ans provoque la stupeur et le chagrin sur l’île. Le stade de Furiani, jusqu’alors baptisé du nom du Docteur Luciani, prend le nom du joueur en 1937.

Auguste Bonal

Auguste Bonal (1898-1945) était un dirigeant des usines Peugeot et s’occupait donc également du FC Sochaux, dont il devient directeur sportif pendant l’occupation. Les usines Peugeot étant réquisitionnées, Bonal fut accusé par les Allemands de sabotage et d’obstruction à la collaboration. Arrêté et emprisonné en 1943, il sera libéré avant d’être arrêté par la Gestapo, au titre de membre des Forces Françaises de la résistance. Déporté dans un camp en Alsace puis en Allemagne, Bonal est tué en 1945. Le stade de la Forge de Sochaux adopte le nom de stade Bonal peu après sa mort.

Jules Deschaseaux (1872-1957) était conseiller municipal du Havre chargé du sport. C’est lui qui a tout mis en œuvre pour l’édification du stade municipal du Havre, construit dans le quartier de Gravile et inauguré en 1931. L’enceinte de 22.000 places accueille une rencontre de la Coupe du monde 1938. Elle adopte le nom de son créateur suite au décès de celui-ci en 1957. L’équipe du HAC y élit domicile en 1971 et y reste jusqu’en 2012.

Félix Grimonprez (1910-1940) est un champion français de hockey sur gazon. Trois fois champion de France avec le Lille Hockey Club, Grimonprez a été sélectionné à 52 reprises en équipe de France, ce qui lui a permis de participer aux Jeux olympiques de 1928 et 1936. Il est mort au combat en mai 1940. Le stade occupé par le LOSC entre 1975 et 2004 porte son nom, associé à celui de Henri Jooris.

Henri Jooris (1879-1940) était un dirigeant sportif lillois, notamment président de l’Olympique Lillois et vice-président de la fédération française de football. Il a créé par ailleurs une boulangerie coopérative rapidement devenue la plus importante de la région. Il fut aussi propriétaire de la brasserie L’Excelsior et de nombreux établissements. Le premier stade de Lille a porté son nom. En 1975, celui-ci fut détruit pour laisser place à un nouveau stade qui portera aussi son nom, associé à celui de Félix Grimonprez.

Francis Le Basser

Francis Le Basser (1889-1974) était un médecin, résistant puis homme politique. Il deviendra maire de Laval entre 1956 et 1971. Il est également président du Stade Lavallois pendant quarante ans, de 1934 jusqu’à sa mort en 1974. En 1971, il dote le club d’un stade de 11.000 places qui porte son nom.

Francis Le Blé (1929-1982) était un homme politique devenu maire de Brest en 1977. Egalement conseiller général du Finistère et président de Brest Métropole, il décède brutalement pendant ses mandats le 23 juin 1982. Le stade de l’Armoricaine adoptera son nom aussitôt.

Charles Nungesser

Charles Nungesser (1892-1927) était un aviateur français, héros de la première guerre mondiale et plusieurs fois médaillé. Il a disparu le 8 mai 1927 avec François Coli durant une tentative de traversée de l’Atlantique partie de Paris pour rejoindre New-York. Natif de Paris, il a passé une partie de son enfance à Valenciennes, d’où est originaire sa mère. Le club de VA inaugure son stade en 1929 et lui donne le nom de l’aviateur disparu deux ans plus tôt. Le stade sera détruit en 2012.

François Coty (1874-1934) est le créateur d’une entreprise de parfums qui deviendra une multinationale qui porte toujours son nom. Fortune faite, ce natif d’Ajaccio multipliera les actions de mécénat en Corse et sur le continent. Désireux de se lancer en politique, il acquiert de nombreux titres de presse, notamment le Figaro et des publications d’extrême droite. Sénateur dans les années 1920, réputé pour ses prises de position tranchées, il deviendra maire d’Ajaccio en 1931 mais mourra trois ans plus tard pendant son mandat. Le Parc des Sports de l’AC Ajaccio, inauguré en 1968, adopte le nom du célèbre parfumeur en 1971.

Marcel Saupin (1892-1963) est considéré comme le créateur du FC Nantes en 1943. C’est lui qui a réuni les dirigeants de plusieurs clubs nantais pour leur proposer de fusionner vers un grand club professionnel. Il préside ensuite le club entre 1944 et 1955. Il préside également l’office municipal des sports (OMS) de Nantes entre 1947 et 1956 puis la ligue de l’Ouest de football (1955-1958). Décédé en 1963, le stade de Malakoff où joue le FC Nantes adoptera son nom en 1965. Le club y jouera jusqu’en 1984. On ignorait alors que Saupin, décoré de la Légion d’honneur en 1957, avait collaboré avec l’occupant allemand.

Louis Fonteneau (1907-1989) était le président du FC Nantes de 1969 à 1986. Le club lui doit d’avoir veillé à la construction du centre de formation et d’avoir maintenu un certain esprit qui a valu au club ses plus belles heures. Il est également à l’origine de l’édification du stade de le Beaujoire qui adoptera son nom après sa mort en 1989.

Michel d'Ornano

Michel d’Ornano (1924-1991) était un homme politique français. Maire de Deauville entre 1962 et 1977 et président du conseil général du Calvados, il a également occupé plusieurs postes de ministre entre 1974 et 1981 avant de devenir député. Impliqué dans la construction du nouveau stade du SM Caen, il meurt en 1991 et ne verra pas en 1993 l’inauguration de l’enceinte qui porte son nom.

Jacques Chaban-Delmas

Jacques Chaban-Delmas (1915-2000) était un homme politique et ancien résistant. Premier ministre de 1969 à 1972 sous Pompidou, candidat à l’élection présidentielle, président de l’Assemblée Nationale, il est également maire de Bordeaux pendant presque quarante ans de 1947 à 1995. En 2001, un an après sa mort, le Parc Lescure adopte son nom.

Pierre Mauroy (1928-2013) était un homme politique natif du Nord. Premier ministre de 1981 à 1983 sous Mitterrand, il fut également député, sénateur et surtout maire de Lille pendant plus de vingt-sept ans entre 1973 et 2001. C’est à ce titre que que le stade du LOSC construit en 2012 a été rebaptisé de son nom en juin 2013… alors qu’il s’était lui-même opposé à sa construction.

Raymond Kopa (1931-2017) est l’un des plus grands footballeurs de l’histoire du football français. Meneur de jeu de l’équipe qui termina demi-finaliste de la Coupe du monde 1958, vainqueur de trois Coupes d’Europe avec le Real Madrid et plusieurs titres de champion avec le Stade de Reims, il a également remporté le Ballon d’Or. A sa mort en 2017, le SCO Angers n’hésitera pas à débaptiser son stade Jean Bouin pour rendre hommage à celui qui porta son maillot au début de sa carrière professionnelle.

André Delelis (1924-2012) fut le maire de Lens pendant 32 ans entre 1966 et 1998. Il a également occupé les postes de député, de sénateur et de ministre du Commerce et de l’Artisanat sous le gouvernement de Pierre Mauroy. Décédé en 2012, son nom a été associé à celui de Félix Bollaert dans le nom du stade du RC Lens.

Jean Laville (1880-1938) était pendant dix-neuf ans le maire de Gueugnon, sa ville natale. Député depuis 1928 et membre de la SFIO, il est alors l’un des rares hommes politiques de l’époque provenant du monde ouvrier. Il est mort subitement durant l’été 1938 alors qu’il était très populaire. Le stade du FC Gueugnon porte son nom depuis son ouverture en 1939.

Gaston Gérard (1878-1969) était le maire de Dijon de 1919 à 1935. Il est à l’origine du Parc des Sports de Dijon inauguré en 1934. Il fut aussi député et sous-secrétaire d’État chargé du tourisme. Il vote pendant l’occupation les pleins pouvoir au Maréchal Pétain, ce qui lui vaudra l’inégibilité à partir de la Libération, même s’il se défend d’avoir collaboré. Mort en 1969, le Parc des Sports de Dijon adoptera son nom. Le Dijon FCO, fusion de plusieurs clubs dijonnais, évolue toujours dans ce stade aujourd’hui.

René Gaillard (1918-1985) était maire de Niort pendant quatorze ans de 1971 à son décès en 1985. Professeur d’éducation physique, il a consacré une grande partie de sa vie au sport et est à l’origine de la création du stade de la Venise Verte, inauguré en 1974, et qui adoptera le nom de son instigateur après le décès de celui-ci.

Gabriel Montpied (1903-1991) était le maire de Clermont-Ferrand pendant vingt-neuf ans entre 1944 et 1973. Ancien ouvrier dans la métallurgie, il devint une figure du syndicalisme puis s’illustra dans la Résistance. Décédé en 1991, le stade de Clermont Foot ouvert en 1995 porte son nom.

Saint-Symphorien, le stade du FC Metz, fait référence à Symphorien d’Autun, un jeune martyr chrétien du deuxième siècle, fêté le 22 août. Son martyr fait l’objet d’un célèbre tableau du peintre Jean-Auguste-Dominique Ingres en 1834. Le stade du FC Metz est construit sur l’île Saint-Symphorien à Longeville-lès-Metz, qui abrite aussi l’église Saint-Symphorien et le complexe sportif Saint-Symphorien.

Léo Lagrange (1900-1940) était un homme politique socialiste qui fut notamment sous-secrétaire d’État aux sports et à l’organisation des loisirs lorsque le Front populaire était au pouvoir. Très impliqué dans le développement du sport en France, le jeune ancien ministre meurt au combat en 1940. De nombreux stades portent son nom, notamment l’ancien stade de l’OGC Nice (aka sta stade du Ray) et celui du Racing Besançon.

Jean Bouin (1888-1914) est l’un des premiers grands champions français d’athlétisme. Vice-champion olympique du 5.000 mètres aux Jeux de Stockholm en 1912, il a été détenteur de sept records du monde. Il est mort sur le front dans la Meuse le 29 septembre 1914. De nombreuses enceintes sportives portent son nom en France, notamment à Paris, Marseille, Nîmes et Angers, ce dernier ayant été débaptisé en 2017 pour Raymond Kopa.

Yves du Manoir (1904-1928) était un jeune rugbyman français très populaire. Joueur du Racing Club de France, il est régulièrement appelé dans le XV de France. Il est mort le 2 janvier 1928 à 23 ans dans un avion-école alors qu’il passait son brevet de pilote. Sa mort a beaucoup marqué les esprits. Le stade olympique de Colombes adopte son nom quatre mois après le drame. Il fera également ériger une statue à son entrée. De nombreuses installations sportives en France portent également son nom.

Sébastien Charléty (1867-1945) était un historien français, recteur de l’Université de Paris et fondateur de la Cité Universitaire de Paris. Il est également à l’origine du stade construit à proximité de l’Université et destiné au PUC, Paris Université Club. Le stade plusieurs fois rénové est aujourd’hui un stade d’athlétisme mais le Paris Football Club y joue ses rencontres à domicile.

John Pershing (1860-1948) est un militaire américain, considéré comme l’un des plus grands généraux de l’histoire. Il conduit notamment les troupes américaines sur le sol français lors de la guerre 1914-1918. A l’issue du conflit, les YMCA organisent les Jeux interalliés à Vincennes, dans un stade qu’ils ont construit sur un terrain cédé par le gouvernement français, proche de l’hippodrome. Le stade porte le nom du Général Pershing à qui il a été offert. Celui-ci le cède à la France.

Tola Vologe (1909-1944), de son vrai nom Anatole Vologe, est un sportif français qui a brillé dans de multiples discipline. Sélectionné à trente-deux reprises en équipe de France de hockey sur gazon, il était de l’équipe, avec Félix Grimonprez, qui a terminé quatrième aux Jeux olympiques de 1936. Tola Vologe, natif de Vilnius, a également été trois fois champion de France de 4×400 mètres avec l’équipe du Stade français et champion de France de tennis de table en double messieurs avec Raymond Verger. Pendant la guerre, il s’installe à Lyon pour s’engager dans la Résistance. Arrêté par la Gestapo en mai 1944, il est abattu en cherchant à s’enfuir. Plusieurs enceintes sportives de Lyon portent aujourd’hui son nom, notamment l’ancien centre d’entrainement de l’Olympique Lyonnais.

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