OBJET – C’est un arbitre anglais, mister Aston, qui inventa dans les années soixante les petits bristols de couleurs destinés à punir les mauvais joueurs et surtout, à faire comprendre d’un seul geste les décisions arbitrales
(Article mis à jour le 21 septembre 2018)
Ken Aston, un arbitre anglais, ne s’était pas remis d’un terrible Chili-Italie de la Coupe du Monde 1962, qu’il avait dirigé mais pas complètement maîtrisé, excluant notamment deux joueurs italiens. Lors de la Coupe du Monde suivante, en 1966 à Wembley, cinq longues minutes avaient été nécessaires à l’arbitre allemand Rudolf Kreitlein pour faire comprendre au capitaine argentin Antonio Rattin qu’il était exclu du terrain. Pour M.Aston, il devenait urgent de créer un code international afin de signifier un avertissement ou une exclusion, jusqu’alors signifiée oralement au joueur concerné et à son capitaine.
Du feu rouge au carton rouge
Sur Kensington High Street, Ken Aston était dans sa voiture, arrêtée au feu rouge. “Bon sang, mais c’est bien sûr !” s’exclama-t-il (probablement en anglais). “Prenons modèle sur les feux de circulation, et donnons des couleurs à nos décisions arbitrales“. Le rouge s’imposa rapidement pour signifier l’exclusion d’un joueur, puis le jaune pour un avertissement, sachant qu’un deuxième carton jaune équivaut à un carton rouge, donc une exclusion.
Le projet de M.Aston est écouté par la FIFA et mis en pratique dès la Coupe du Monde 1970. Lors de la rencontre d’ouverture Mexique-URSS, le Soviétique Evgeny Lovchev reçoit de la part de l’arbitre allemand Kurt Tschenscher le premier carton jaune de l’histoire du football. Le premier carton rouge ne sera brandit quant à lui que quatre ans plus tard, le 14 juin 1974, à l’attention du chilien Carlos Caszely à la 67’minute de la rencontre RFA-Chili par l’arbitre turc Doğan Babacan.
Les cartons de couleurs furent rapidement adoptés au sein des autres compétitions de football, y compris dans les épreuves à caractère national où le problème de langue n’avait pas lieu d’être mais où, d’un seul geste, l’arbitre faisait comprendre sa décision aux joueurs, au public aux commentateurs et aux journalistes. Le championnat de France adopta les cartons dès la saison 1972-73.
Cartons rouge en Coupe du Monde
Le 13 juin 1986, lors de la rencontre Uruguay-Ecosse de la Coupe du Monde au Mexique, l’arbitre français Joël Quiniou renvoie l’Uruguayen José Batista aux vestiaires après 53 secondes de jeu. C’est l’exclusion la plus rapide de l’histoire de la Coupe du Monde. Le joueur uruguayen n’a pas touché le ballon et a juste eu le temps de faucher l’écossais Gordon Strachan avant de quitter ses partenaires.
Le 11 juin 1990, l’Argentin Pedro Monzón est le premier joueur exclu d’une finale de la Coupe du Monde. Il sera suivi quelques minutes plus tard par son coéquipier Gustavo Dezotti, et l’Argentine s’inclinera 1-0 face à l’Allemagne. D’autres joueurs connaîtront la même humiliation et ils sont Français : Marcel Desailly (1998) et Zinedine Zidane (2006). On redoute depuis une éventuelle finale France-Argentine…
En 1994, l’Italien Gianluca Pagliuca est le premier gardien de but exclu d’une rencontre de Coupe du Monde. A l’occasion du match Italie-Norvège du premier tour , il a capté le ballon de la main hors de sa surface.
Lors de la Coupe du Monde 2002, l’arbitre espagnol Antonio Lopez Nieto distribue quatorze cartons au cours du match Allemagne-Cameroun : 12 jaunes (6 pour chaque camp) et 2 rouges (1 pour chaque camp). Son record sera battu en 2006 au cours du huitième de finale Portugal-Pays Bas où le russe Valentin Ivanov distribue 16 cartons jaunes et exclue 4 joueurs. La Coupe du Monde 2006 fut très riche en cartons : 310 jaunes et 28 rouges, ce qui en fait le record de toutes les phases finales de l’histoire.
Le défenseur croate Josip Šimunic détient un record particulier : Il est le seul footballeur au monde à avoir reçu au cours du même match… trois cartons jaunes. Lors de la rencontre Croatie-Australie, Šimunic est en effet averti pour un mauvais tacle. Puis il reçoit un nouvel avertissement quelques instants plus tard, mais l’arbitre anglais Graham Poll oublie tout simplement de l’exclure (et il ne vient à personne l’idée de le prévenir !). Juste après le coup de sifflet final, le joueur croate trouve le moyen d’aller se plaindre au referee anglais (mais de quoi donc ?), ce qui lui vaut un nouveau carton jaune, cette fois bien accompagné d’un rouge. Trois jaunes pour un rouge, une petite faute technique qui vaudra à l’arbitre britannique les foudres de la FIFA et… une exclusion du tournoi.
Le 18 juin 2000, le le remplaçant serbe Mateja Kezman parvient à se faire exclure de Yougoslavie-Norvège 44 secondes après être entré sur le terrain. C’est le record du Championnat d’Europe.
Les Bleus en rouge
Jusqu’en 1998, aucun footballeur français n’avait reçu de carton rouge en phase finale d’une Coupe du Monde. Le premier à inaugurer la liste n’est autre que Zinédine Zidane en 1998, lors d’un match du premier tour face à l’Arabie Saoudite le 18 juin 1998. Les Bleus de 1998 récolteront au total trois cartons rouges au cours de leur chemin victorieux. Après Zidane, Laurent Blanc sera exclu de la demi-finale contre la Croatie, puis Marcel Desailly sera prié de sortir lors de la finale contre le Brésil.
Déjà, lors du Championnat d’Europe 1984, lorsqu’elle remporta son premier titre, l’équipe de France avait vu beaucoup de rouge, avec deux exclusions en cinq matches : Manuel Amoros lors du match d’ouverture face au Danemark, et Yvon Le Roux lors de la finale contre l’Espagne.
Après 1998, la France prend l’habitude de prendre au moins un carton rouge à chaque Coupe du Monde : Thierry Henry en 2002 (France-Uruguay), Zinedine Zidane en 2006 (France-Italie), Yohann Gourcuff en 2010 (Afrique du Sud-France). Une habitude qui a heureusement pris fin en 2014. En 2018, les Français remportent leur deuxième étoile sans prendre le moindre carton rouge. Y compris en finale.
Zizou le rouge
Premier joueur de l’équipe de France à être exclu d’un match de Coupe du Monde, Zinedine Zidane entretient une relation particulière avec les cartons rouges. Il partage avec le camerounais Rigobert Song le privilège d’avoir reçu deux cartons rouges en Coupe du monde. Il a reçu pas moins de quatorze cartons rouge au cours de sa carrière, qui a d’ailleurs pris fin sur une exclusion.
En 2000, favori pour le Ballon d’Or après un Euro 2000 exceptionnel, il reçoit un carton rouge lors d’un match de champion’s league à Hambourg, qui le prive finalement du trophée. Même le film qui lui est consacré (“Un portrait du XXIème siècle“) se termine par une exclusion. Zidane n’était pourtant pas un joueur spécialement violent, mais il réagissait très mal aux agressions de ses adversaires.
Le mot de la fin
Vous avez remarqué ? A aucun moment nous n’avons employé le mot “expulser”. Les lois du jeu emploient le terme “exclure”…
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