JEUX VIDÉO – En 1989, Dino Dini offre Kick Off, un soft exigeant reconnu par beaucoup comme le véritable coup d’envoi de la simulation réaliste de football.
A l’origine, le développement de l’illustre Kick Off n’est pas une histoire de passion, mais plutôt celle d’un défi. C’est aussi celle d’une performance remarquable en termes de programmation et d’impact sur le reste de la production. En cette année 1989, Dino Dini a alors tout juste vingt-quatre printemps quand il accepte la proposition de l’éditeur Anco de créer une simulation de football. Celle qui va au final marquer d’une pierre blanche l’histoire du genre, va en être aussi probablement le point de basculement le plus significatif.

Malgré son lieu de naissance (Bristol, en Angleterre) et son patronyme d’origine italienne, Dino Dini n’est pas un amoureux de football à la base. A vrai dire, l’ancien élève humilié en cours d’éducation physique l’exècre même. Mais il aime coder, écrire, concevoir, le travail méritoire: « Si tu crées un jeu qui t’impose une certaine rigueur et de l’entraînement pour marquer, cela signifie quelque chose. Parce que ta performance a un sens. Quand tu rates un but, cela fait appel à un sentiment intérieur. Cela se rapporte à la notion d’effort”.
Le paradigme est posé: Dino Dini souhaite créer une expérience qui demandera de l’investissement au joueur, qui rendra le mérite au collectif. Il veut aussi retranscrire la difficulté à mettre un but, la nécessité de construire les actions, le goût du labeur. Ses souhaits sont grands, complexes et tranchent avec ce qui se faisait jusqu’alors. Seul au départ à la barre du game design et de la programmation, il lui faut alors jongler avec les difficultés et les restrictions des machines de l’époque. Notamment, représenter le terrain par une vue du dessus pour avoir des joueurs à l’échelle, et optimiser le moteur qui doit gérer le placement et les déplacements des joueurs. Mais pas seulement. Le titre reprend également à son compte deux éléments qu’avait introduits Tehkan World Cup en 1985: le radar et les équipes de… 11 joueurs, enfin !

Le génie de Kick Off tient essentiellement en deux points. Tout d’abord, celui de considérer le ballon comme une entité à part entière, indépendante du joueur. Le cuir ne colle plus aux pieds des footballeurs et cela rapproche alors significativement le soft de la réalité, comparativement à la concurrence. Le ballon appartient à l’espace, il a sa propre physique. Le joueur se doit alors de contrôler sa course et sa conduite.
Le second trait d’orfèvre réside dans ce gameplay à un seul bouton. Le public visé est celui du micro-ordinateur, il faut donc penser une jouabilité adaptée au joystick. Tout dans Kick Off peut se faire en pressant un seul bouton. En restant appuyé dessus, le joueur conduit le ballon mais il lui faudra le lâcher pour pousser le cuir devant lui, placer une accélération voire frapper au but ou faire une passe. La prise en main est difficile, mais l’investissement est récompensé et le sentiment grisant: l’apanage des grands jeux de football.
Le soft est un succès critique majeur, restant dans le top 10 des charts en Angleterre pendant deux ans, permettant à son auteur de se faire un nom, de remporter des trophées et une large adhésion du public. Encore vivace aujourd’hui, son influence ne s’est jamais démentie. Une côte que le second volet va conserver, mais que Goal! – que Dino Dini publiera chez Virgin Games en 1993 – ne saura pas retrouver, au grand dam du développeur qui ne s’en est jamais vraiment remis. La faute à un concurrent qui lui emprunte beaucoup et qui lui damera finalement le pion: un certain Sensible Soccer.
- Kick Off: ce qu’il a apporté, ce qu’il en reste, Julien Fyot, Les Cahiers du Jeu Vidéo #2: Football Stories, éditions Pix’n Love.
- Dossier: La grande saga du ballon rond, Florian Velter, JV Le Mag, Gamekult.
- Dossier: Les 10 jeux de foot qui ont compté, William Audureau, Gamekult.
- Kick Off, le match retour de Dino Dini, Pierre Alexandre Conte, Gamekult.
- Dino Dini’s Kick Off Revival, Totof, Le Serpent Retrogamer.