Crayonnés pour un buteur oublié

Ossi, une vie pour le football

BANDE DESSINEE – Dans “Ossi, une vie pour le football” (2019, Steinkis), Julian Voloj et Marcin Podolec racontent l’histoire du buteur allemand Oskar Rohr, un footballeur victime du nazisme.

De nombreux grands footballeurs ont vu leur carrière brisée par le nazisme et la guerre. Certains l’ont payé de leur vie, comme Matthias Sindelar. D’autres ont tout simplement été oubliés malgré de prometteurs débuts. C’est le cas d’Oskar Rohr, dit Ossi.

Nuage de craie

Né à Mannheim, le jeune attaquant du Bayern Munich devient à vingt ans la vedette de la finale de la Coupe d’Allemagne 1932. La finale se joue à Nuremberg contre l’Eintracht Francfort et Rohr ouvre le score sur penalty. Au moment de la frappe, un nuage de craie s’est formé autour du tireur. Le Bayern, qui n’est alors à l’époque qu’un club parmi d’autres, l’emporte 2-0 et conquiert son premier titre de champion d’Allemagne.

Le jeune buteur connaît des débuts foudroyants. Sélectionné en équipe d’Allemagne, il inscrit deux buts contre la France à Berlin en mars 1933. Mais cette année-là, Adolf Hitler est devenu chancelier du Reich alors que l’attaquant a toujours manifesté son hostilité vis-à-vis des Nazis. Il quitte l’Allemagne pour aller jouer à Zurich, chez les Grasshoppers puis rejoint en 1934 le Racing Club de Strasbourg. Il devient le premier footballeur professionnel allemand. Le football outre-Rhin est en effet encore amateur (il le restera jusqu’en 1963) alors que le foot français est entré en professionnalisme depuis peu.

Oskar Rohr devient le buteur-vedette du club alsacien, l’un des plus prolifiques de l’histoire du championnat de France (118 buts sur 136 matchs). Son petit neveu, Gernot Rohr, qui fut joueur à Bordeaux dans les années 1980, aime dire que son grand-oncle était un Gerd Müller avant l’heure : costaud, râblé et doté d’un sens du but extraordinaire.

Ossi Rohr ne va malheureusement pas connaître le même destin que le Bomber des années 1970. La guerre éclate en 1939 et Ossi Rohr choisit de rejoindre la légion étrangère française et de combattre les Nazis. Il est malheureusement arrêté par les Allemands, conduit au camp de concentration de Kislau avant d’être envoyé sur le front russe.

Le Bomber des années trente

S’il sortira vivant de ces épreuves, Oskar Rohr n’aura pu accomplir la carrière qu’on lui promettait. Il fut même complètement oublié de l’histoire du football allemand, celles-ci préférant célébrer les héros de 1954, qui remportèrent la Coupe du monde, effaçant tout ce que a été entrepris avant, pour le meilleur et pour le pire.

Pour réhabiliter la mémoire de Oskar Rohr, décédé en 1988, Julian Voloj et Marcin Podolec publient en 2019 une bande dessinée chez Steinkis titrée : “Ossi, une vie pour le football”. Un ouvrage copieux avec 130 planches agrémenté d’un carnet documentaire de 14 pages qui propose une version plus analytique de la carrière du joueur, avec de nombreuses photographies.

La couverture de l’album a le bon goût de reprendre l’image du tir d’Ossi Rohr en finale du championnat d’Allemagne 1932, avec le nuage de craie qui l’a rendu célèbre. La préface du livre est signée Gernot Rohr, le neveu dont le parcours ressemble à celui de son oncle (débuts au Bayern, carrière en France…) mais que l’Histoire a su épargner.

Ossi, une vie pour le Football

A propos d’Oskar Rohr, de Julian Voloj et Marcin Podolec

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