Le championnat d’Europe, une histoire politique

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LIVRE – Dans “60 ans d’Euro de football” (2020, Do Bentzinger éditeur), Guillaume Germain relate les nombreux points qui relient le championnat d’Europe de foot à son contexte politique.

Si le Championnat d’Europe de football n’a pas la même aura que la Coupe du monde, son histoire se rapproche volontiers de celle des Jeux olympiques. Non seulement l’épreuve se dispute (en temps normal) lors de chaque année bissextile, mais elle est en outre bien souvent soumise aux aléas de l’histoire géopolitique. Beaucoup plus que la Coupe du monde, notamment.

Franco, Guerre froide et CEE

Rien n’a en effet épargné les quinze éditions du championnat d’Europe : la Guerre Froide, le général Franco, la CEE, la fin de l’URSS, la crise des Balkans… il ne manque plus que le Brexit et quelques crises passagères pour que le tableau soit complet. Aucun de ses soubresauts toutefois n’avait réussi à faire reporter le déroulement de l’Euro jusqu’à ce que le virus Covid-19 impose le confinement à la population et lui interdise l’accès aux stades. C’est en faisant ce constat que Guillaume Germain, diplômé de l’Institut d’études politiques de Lille, a imaginé un ouvrage qui conterait l’histoire de l’épreuve sous l’angle géopolitique. Un travail qui lui permet d’associer ses deux passions : le foot et la politique internationale.

L’auteur signale, dès la première édition de la Coupe d’Europe des nations, une prédominance des états communistes. Il est vrai que l’épreuve tout juste créée par Henri Delaunay est un peu boudée par les grandes sélections occidentales (Angleterre, Allemagne et Italie en tête). Sur les 17 nations inscrites pour l’édition de 1960, huit proviennent du bloc de l’Est. Et le podium final est occupé par l’URSS, la Yougoslavie et la Tchécoslovaquie. Trois pays de l’Est qui de surcroît n’existent plus tout à fait aujourd’hui.

Un incident a émaillé le déroulement de cette première édition, organisée en élimination directe. L’équipe d’Espagne, que Guillaume Germain désigne comme le grand favori, a été empêchée de disputer son quart de finale contre l’URSS. Le général Franco redoutait de voir son équipe battue par les Soviétiques, qui avaient soutenu ses opposants républicains durant la guerre civile. L’Espagne est éliminée par forfait, laissant la voie libre à son adversaire. Curieuse facétie de l’histoire, la finale de la deuxième édition, quatre ans plus tard, opposera… l’Espagne à l’URSS.

Le foot est la continuation de la politique par d’autres moyens

Les éditions suivantes de la Coupe d’Europe des Nations serviront toujours d’écho à la politique, et notamment les soubresauts de la Communauté économique européenne. La CECA est fondée trois ans avant l’UEFA, puis l’Union Européenne s’élargit à de nouveaux pays autant que le tournoi final passe de quatre à huit (puis de huit à seize) équipes participantes. Au bout du compte, le tournoi comme la monnaie commune utilisée dans certains pays porteront le même nom : l’Euro.

L’Euro 1992 est de loin l’édition la plus impactée par les méandres de l’histoire. Pour la première fois y évolue une équipe d’Allemagne réunifiée, où qui plutôt a réintégré la RDA en son sein après la chute du mur de Berlin. On croise également une équipe de la CEI, dernier avatar de l’URSS en phase de démantèlement. Quand à l’équipe de Yougoslavie, elle a été purement et simplement évincée quelques jours avant le début du tournoi à la demande de l’ONU en raison de la guerre civile qui allait déboucher sur l’éclatement du pays. Une première. Pour remplacer la sélection balkanique, l’UEFA a fait appel au Danemark, quelques jours après un référendum où le pays avait voté contre le traité de Maastricht. Mais l’équipe danoise ne dit pas non au championnat d’Europe. Mieux : elle remporte l’épreuve à la surprise générale.

Dans les années qui suivent, on voit apparaitre des pays nouveaux ou renaissants comme la Croatie, la Slovénie, la Lettonie, l’Ukraine… On voit l’Allemagne et la République Tchèque en 1996 réinventer la finale RFA-Tchécoslovaquie de 1976. On voit l’équipe de Grèce ruiner l’élite européenne du foot juste avant que l’inverse se produise sur le plan économique.

C’est un petit ouvrage passionnant qui donne aux exploits de Yachine, Suarez, Rivera, Muller, Panenka, Hrubesch, Platini, Van Basten, Laudrup, Klinsmann, Zidane, Zagorakis, Xavi, Iniesta et Cristiano Ronaldo une résonance politique et économique. L’Euro sera influencé par de nombreux enjeux, y compris sécuritaires et sanitaires. L’ouvrage mérite d’être lu. Dommage que sa couverture, franchement ratée, ne soit pas à la hauteur du contenu.

A propos de Guillaume Germain et de l’Euro

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