Charlie n’aime pas le foot

Charlie Hebdo Football

PRESSE – A l’occasion de la Coupe du Monde 1998, le journal satirique Charlie Hebdo sort un hors-série décapant, “L’horreur footballistique“, histoire de rappeler que tout le monde n’aime pas le foot. 

Dès que le football se retrouve à la une de l’actualité, le poil de Charlie Hebdo se hérisse. Il est vrai que le journal satirique n’a jamais goûté aux joies du ballon rond. A l’approche du Mondial 1998 en France, ces messieurs que le football agace ont rassemblé toutes les énergies pour dénoncer, dans un hors série attendu, l’Horreur Footballistique.

Le foot me broute” balance d’entrée Philippe Val, le rédacteur en chef de Charlie. Le journaliste-chanteur-écrivain s’insurge notamment contre la municipalité de Saint-Etienne qui, en ce début d’année 1998, a consacré la plus grosse part de son budget au stade Geoffroy-Guichard plutôt qu’à une école ou un hôpital. On ne peut pas vraiment lui donner tort, mais Val croit bon d’ajouter que cet argent aurait été plus utile pour… un ciné-club ! Sans doute Monsieur Val estime plus noble d’assister à la représentation d’un film suédois en noir et blanc qu’à un match de foot…

Con comme un ballon“, c’est le titre du poème écrit par l’autre grande figure du journal, Cavanna. Quatre-vingt-six vers qui manquent malgré tout d’assises. Comme dans la plupart des pages qui suivent, Cavanna se contente d’un argument peu convaincant : Si tu aimes le ballon, c’est que tu es un con. Un peu léger.

L'horreur footbalistique

Mais au fait, qu’est-ce qu’ils reprochent au foot, ces messieurs de chez Charlie ?

La récupération politique du football : L’histoire du football ne manque évidemment pas d’épisodes fâcheux plus ou moins liés à la politique. Deux exemples ressurgissent inévitablement : La Coupe du Monde 1934 disputé dans l’Italie mussolinienne, puis l’édition de 1978 dans l’Argentine du sanguinaire Général Videla. Le football est dans ces cas accusé d’être le complice des tristes régimes, ce qui est une fausse accusation. Le jeu n’est-il pas ici qu’une victime, un otage de luxe ? Croire qu’un tournoi de football peut servir une idéologie politique est aussi naïf et réducteur que de penser qu’un match Argentine-Angleterre ou un U.S.A-Iran puisse contribuer au rapprochement des peuples.

Le libéralisme sauvage : Comme avec la politique (mais aussi la religion), le foot n’est là aussi qu’un otage du tourbillon de l’argent-roi. Mais est-ce en supprimant le ballon qu’on éradiquera l’horreur économique ?

Le hooliganisme, la fascisation des tribunes : La violence des tribunes est certes un phénomène inquiétant, mais il est loin d’être exclusif au football. La violence est partout, malheureusement. Ce n’est pas le foot qui l’a inventée. Si on supprime le foot, cette violence ira ailleurs.

L’argent public investi dans les clubs de foot : Alors là, tout à fait d’accord. Les salaires démesurées des footballeurs, et les dérives irresponsables des dirigeants ne doivent pas être couvert par la dîme du contribuable. Il se trouve justement qu’un homme politique s’est battu pour mettre fin au principe des subventions. Cet homme, c’est Charles Pasqua, un représentant de la droite dure.

Les centres de formation, le marché des jeunes : Il y a de quoi s’insurger sur le sort des enfants venus d’Afrique ou d’Amérique du Sud avec des rêves de foot plein la tête et laissés à la rue pour n’avoir donné satisfaction aux clubs professionnels. Par contre, prendre les écoles de football pour un embrigadement de nos chères têtes blondes, pourquoi pas, mais n’est-ce pas le cas alors de toutes les écoles ?

Le dopage, la corruption : Et oui ! C’est çà aussi, le sport, malheureusement. Merci de le souligner, Charlie. Mais L’Equipe l’a fait bien avant toi.

En avant dernière page est publié un appel à signatures rédigé par le COBOF (Comité pour l’Organisation du Boycott de la Coupe du Monde de Football). La pétition demande de préciser ses nom, prénom, adresse et profession. Peut-être pour établir un listing ?

Comme quoi, on peut lire et apprécier Charlie Hebdo même si l’on ne partage pas toutes les opinions. Et puis Charlie Hebdo, en 1998, c’est avant tout une joyeuse bande de dessinateurs (Wolinski, Gébé, Riss, Charb, Luz, Cabu).

  • En 2010, Charlie Hebdo sortira un hors-série similaire, “Ni dieu Ni foot” qui reprend à peu près les mêmes thèmes, voire les mêmes articles.

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