Ndaye Mulamba, héros d’Afrique

Zaïre 1974

LIVRE – Le livre « La mort m’attendra » de Claire Raynaud (2010 – Calmann Levy) est le récit poignant de la vie de Pierre Ndaye Mulamba, attaquant de l’équipe zaïroise de 1974 au destin brisé par une terrible dictature.

Pierre Ndaye Mulamba est un héros du foot africain. Attaquant de la grande sélection du Zaïre des années 1970, il est le meilleur buteur de la CAN 1974 avec neuf buts, le record de l’épreuve. L’attaquant des Léopards est aussi de l’aventure de la Coupe du Monde 1974. Une aventure qui tourne court pour l’équipe zaïroise, battue trois fois sans inscrire le moindre but, et pour Mulamba, exclu lors du deuxième match contre la Yougoslavie… pour une faute qu’un autre que lui a commise !

Pierre Ndaye Mulamba

Cette Coupe du Monde en Allemagne est avant tout l’histoire d’une équipe en révolte contre le pouvoir. Les héros de la CAN n’ont en effet toujours pas reçu les primes promises par Mobutu lorsque débute le tournoi allemand.

Malgré une préparation perturbée, les hommes de Blagoje Vidinic font bonne figure lors du premier match contre l’Ecosse, mais doivent s’incliner (2-0). Le deuxième match tourne à la déroute. Ndaye Mulamba est exclu dès la 23e minute et ses coéquipiers prennent neuf buts sans en rendre un seul. Les joueurs n’ont à vrai dire pas joué le jeu et ont préféré lever le pied pour contester les confiscations que leur impose le régime. Le dernier match aurait dû être une fête contre les tenants du titre brésilien. Il ne sera qu’un match amer une nouvelle fois perdu (3-0) par les Léopards, privés des “meneurs” que le régime a demandé d’écarter.

Au lendemain du désastre, Ndaye Mulamba aurait pu rejoindre le Paris Saint-Germain, mais il est contraint de rester au pays. Il poursuit donc ses exploits à la pointe de l’attaque de l’AS Vita, le club de Kinshasa qui enchaîne les titres locaux et domine les compétitions continentales.

Le Léopard termine sa carrière en 1988 avec un palmarès de seigneur. Curieusement, l’histoire officielle du football l’oubliera quelque peu, le laissant poursuivre sa vie comme fonctionnaire avec un salaire minimum. Ce n’est qu’en 1994 que la Confédération Africaine de Football songe à récompenser le meilleur buteur de l’histoire de la CAN et l’invite à se rendre en Tunisie où il reçoit une médaille pour l’ensemble de sa carrière.

Cette médaille, qui fait sa joie et sa fierté, va devenir son pire cauchemar. Dès son retour au pays, Mobutu, toujours au pouvoir, lui demande de lui remettre cette médaille. L’ancien joueur refuse. Le soir même, des soldats investissent son domicile, tuent son fils de onze ans sous ses yeux, puis lui tirent dessus. Ils le transportent ensuite à demi-inconscient pour le jeter du haut d’un pont.

Ndaye Mulamba survit miraculeusement. La mort attendra. Il est retrouvé le lendemain par des passants. Il est pris en charge par le docteur Emmanuel Paypay, le plus grand chirurgien du pays. Après huit mois d’hospitalisation, diminué par ses blessures, Ndaye Mulamba quitte le Zaïre pour l’Afrique du Sud, laissant sa famille derrière lui. En 1998, sa mort est annoncée et une minute de silence est même observée lors de la CAN au Burkina Faso. C’est une erreur : Mulamba est vivant, même s’il survit difficilement dans les townships de Cape Town, en grattant des pourboires comme gardien de parking.

Mobutu est mort en 1997 et le Zaïre redevient la RD Congo. Ndaye Mulamba, qui a perdu sa femme, se marie avec une sud-africaine. En 2005, il est invité par la FIFA pour la remise d’une nouvelle médaille, et afin que le nom d’un des plus grands attaquants africains de l’histoire ne soit jamais oublié. Le livre de Claire Reynaud participe lui aussi à cette réhabilitation.

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